Découvrez l'interview d'Olivier Gruet, Chief Data Officer chez Air Liquide Healthcare
Alors que Micropole a récemment publiée son étude sur la Culture Data intitulée “Stratégie Data : de la vision à l’engagement collectif” et réalisée en partenariat avec OpinionWay, nous vous proposons de découvrir l’interview exclusive d’Air Liquide Healthcare, réalisée à l’occasion de cette étude.
L’activité Santé du Groupe a mis en place une approche basée sur la valeur en santé « value-based healthcare » pour accélérer sa transformation dans le secteur de la santé à domicile.
Air Liquide Healthcare, représentée par Olivier Gruet, Chief Data Officer du Groupe, nous partage la méthode déployée par le groupe pour accélérer sa transformation dans ce secteur ainsi que les grandes lignes de son modèle opérationnel qui repose sur une approche innovante et orientée vers la personnalisation des soins, rendue possible par une gestion optimale des données.
« La personnalisation de l’accompagnement nécessite une parfaite organisation de la Data »
Dans cette interview, Olivier Gruet met en évidence l’importance d’une approche collaborative pour définir les compétences en data. Il souligne que la personnalisation des soins, au cœur de la transformation de l’entreprise dans le secteur de la santé à domicile, repose sur une gestion optimale des données.
Pour ce faire, Air Liquide Healthcare a mis en place une méthode rigoureuse de collecte et d’analyse des données en concert avec les différents départements, afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque métier. Cette approche permet de rendre chaque collaborateur, qu’il soit dans le secteur médical, la gestion des données ou la logistique, capable de comprendre et d’utiliser les données pour améliorer les parcours de soins et la qualité de vie des patients.
Ainsi, Air Liquide Healthcare s’assure que l’utilisation de la Data soit non seulement technique mais également profondément ancrée dans les réalités de chaque fonction, afin de maximiser son efficacité dans la transformation digitale du groupe.
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La personnalisation des traitements est l’un des enjeux principaux de la santé à domicile. Quelles données utilisez-vous pour définir un accompagnement aussi adapté à chaque personne ?
Olivier Gruet : “Nous souhaitions en effet développer la personnalisation de l’accompagnement pour deux millions de personnes vivant avec une apnée du sommeil, un diabète, ou une autre pathologie chronique. Cette approche nécessite une parfaite organisation de la Data : nous devons collecter, avec le consentement des patients, des informations issues des appareils mais aussi leurs données médicales et d’autres provenant de questionnaires qui vont nous permettre de comprendre comment le patient vit le traitement et ses attentes en matière de qualité de vie.
L’enjeu était d’abord de définir les données que nous voulions, standardiser cette définition et enfin parler le même langage autour de la donnée. Nous avons des filiales dans une trentaine de pays et certaines ont des systèmes d’information différents. Nous avons donc créé un core data model orienté métier, qui permet de décrire toutes nos données dans un langage unique, que ce soit pour un patient ou pour un plan d’accompagnement. Nous avons demandé à toutes les filiales d’utiliser ce modèle afin de récolter une donnée de qualité et harmonisée, et de produire les mêmes indicateurs.
A cela s’ajoute une dimension réglementaire importante. De nouvelles normes, souvent édictées sur le plan mondial, visent à harmoniser les données médicales pour fluidifier les échanges. Nous avons par exemple intégré dans notre modèle data les normes en vigueur au sein du European Health Data Space. Si les équipes de modélisation de la DSI se sont occupées de cette partie très technique, le service Juridique et du Data Protection Officer ont aussi été impliqués, car la production et la diffusion de données médicales sont extrêmement réglementées.”
Il faut un fort sponsoring du top management, sans quoi la transformation est impossible.
Quelle méthode avez-vous mis en place pour parvenir à un tel résultat ?
” D’abord, il faut un fort sponsoring du top management, sans quoi la transformation est impossible. Nous avons la chance d’être pleinement soutenus de ce côté-là, car notre entreprise a déjà une culture de la donnée solidement ancrée dans d’autres activités.
Ensuite, il faut bien comprendre les besoins et définir des cas d’usage. Nous avons une approche très structurée autour de la value-based healthcare : l’amélioration de la qualité de vie du patient au meilleur coût pour le système de santé est au centre de notre organisation des prestations de santé à domicile.
J’ai donc mené un important travail d’identification et de priorisation avec les métiers. Le risque aurait été de multiplier les proof of concept chronophages et peu efficaces. Vous ne pouvez pas simplement créer un dashboard ou déployer un algorithme pour voir ce qu’il advient. Il faut tout de suite mesurer la valeur au long cours de ce que vous voulez initier et avoir une idée claire des résultats attendus. Tout cela suppose une gouvernance adaptée, une méthodologie structurée et la mobilisation des bonnes personnes pour avancer.”
Vous partagez des questionnaires avec les patients pour optimiser cette personnalisation de l’accompagnement. Comment vous assurez-vous de la qualité des données ?
” Même si nous digitalisons une partie de ces questionnaires via des applications, pour les patients âgés, nos techniciens et infirmiers posent les questions par téléphone ou à leur domicile. Il y a toute une préparation sur la façon de mener le questionnaire par nos équipes pour produire une information fiable sur l’expérience qu’a le patient de son traitement et ses attentes. Celles-ci peuvent être très variables : une personne avec une apnée du sommeil peut craindre de perdre son travail à cause de ses assoupissements, de s’endormir au volant ou craindre que ses ronflements n’aient raison de son couple. Quels qu’ils soient, nous devons prendre en compte ses besoins.
Au-delà des questionnaires, nous avons aussi mis en place des outils qui sont davantage « gamifiés » et qui fonctionnent un peu comme des applications de sport, avec lesquelles le patient va tester, par exemple, l’amélioration de ses capacités respiratoires et donc produire aussi de la data. C’est très important pour nous qu’il soit acteur de son propre traitement. Toutes les données sont « traduites » dans le core data model, puis amenées sur les plateformes de données où l’on va pouvoir catégoriser les informations et déterminer le plan d’accompagnement le plus adapté au patient. Notre objectif d’apporter à nos équipes opérationnelles et aux médecins prescripteurs des données de qualité pour prendre des décisions visant à adapter le traitement.”
L’étude que nous avons menée avec OpinionWay montre que la mise en place d’une vraie stratégie data encourage la participation des collaborateurs. Partagez-vous ce constat ?
” Absolument. Nous avons mis en place une stratégie autour de la personnalisation des soins qui n’est possible que par une utilisation optimisée de la Data et je pense que nos collaborateurs l’ont tous compris. Nous avons créé un écosystème de données assez centralisé mais à partir duquel les équipes peuvent s’appuyer pour produire leur analyse, lorsqu’un médecin ou une autorité leur a demandé des informations.
Des data owners, déployés localement dans nos filiales, ont en charge d’accélérer la transformation sur le terrain. Je m’assure de mon côté de la bonne gouvernance et du sponsorship du Directeur Général de la filiale, pour créer les conditions favorables à l’appropriation. Notre but est de pouvoir déployer une initiative locale réussie avec un coût maîtrisé : c’est là que notre modèle prend tout son sens. Mais nous n’en sommes pas encore à ce niveau de maturité.”
Il faut absolument que les opérationnels s'emparent de cette transformation autour de la Data et de l'IA.
De l’aveu même des dirigeants, les formations sont souvent destinées au top management (87% les citent en premier lieu) et au management intermédiaire (77%). Quelle est votre politique en la matière ?
” Nous souhaitons organiser une montée en compétence beaucoup plus large de nos équipes, pas uniquement des managers, ou même des postes spécialisés de data engineers ou de data scientists. Il faut absolument que les opérationnels s’emparent de cette transformation autour de la Data et de l’IA.
Dans tous nos services, nous avons des collaborateurs qui produisent de l’analyse : pour le contrôle de gestion, pour faire de l’analyse de marché, etc. Tous utilisent des tableaux Excel sophistiqués qu’ils sont parfois les seuls à pouvoir utiliser. Nous essayons de les convertir à Python, un langage de programmation accessible qui va leur permettre des analyses de données plus poussées.
Nous avons donc créé un dispositif interne de formation appelé AI Readiness. Une de ses particularités, et j’y tiens personnellement, est que le manager du salarié volontaire suive un programme associé, car il fera partie du jury évaluant le collaborateur à la fin du cycle de 6 mois. C’est une démarche tactique qui pousse le manager à prendre conscience que les choses changent favorablement et l’encourage à nous aider à constituer de nombreuses personnes formées dans toute notre organisation. C’est un investissement important mais durable qui va nous permettre de fidéliser les collaborateurs.”
A propos de l’étude Culture Data
L’étude Culture Data, réalisée par OpinionWay pour Micropole, explore comment les entreprises intègrent les données dans leurs processus stratégiques et opérationnels, et identifie des écarts entre la vision des dirigeants et la réalité vécue par les collaborateurs.
La transformation numérique a repositionné la gestion des données au cœur des enjeux stratégiques des entreprises. Cependant, la mise en œuvre d’une véritable Culture Data reste un défi complexe. Nous avons cherché à comprendre comment les entreprises peuvent surmonter les obstacles technologiques, organisationnels et humains pour créer une utilisation efficace et pérenne des données.
Dans cette étude, vous retrouverez des tendances mais aussi les retours d’expérience de 10 experts de haut vol en matière de transformation data au sein de leur organisation :
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