L'interview de Christophe Bonnefoux, Global Chief Data Officer chez BNP Paribas Factoring
Dans le cadre de son étude « Stratégie Data : de la vision à l’engagement collectif », réalisée avec OpinionWay, Micropole met en lumière la place centrale de la formation pour développer l’usage de la data au sein des entreprises. Cette étude révèle que, pour de nombreux dirigeants et collaborateurs, démocratiser l’utilisation de la data reste un défi de taille.
À cette occasion, nous avons interviewé Christophe Bonnefoux, Global Chief Data Officer chez BNP Paribas Factoring, qui nous a partagé sa vision de l’acculturation à la data et de son rôle crucial, selon lui, au sein des organisations.
« L’acculturation à la Data, un processus quotidien pour tirer pleinement bénéfice de l’IA »
Chez BNP Paribas, la question de l’acculturation à la data est prise très au sérieux. Tout au long de cet interview, Christophe Bonnefoux souligne que l’acculturation à la Data, bien loin d’être une démarche ponctuelle, est en réalité un processus quotidien. Il s’agit de faire comprendre à tous les collaborateurs l’importance de la donnée, de valoriser leurs compétences et de leur permettre de tirer pleinement parti des outils d’IA, qu’ils soient analytiques ou génératifs. Un investissement qui profite à la fois aux collaborateurs et aux clients, en renforçant la compétitivité et l’efficacité des solutions proposées par BNP Paribas Factoring.
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Pouvez-vous nous décrire rapidement le rôle de BNP Paribas Factoring ?
Christophe Bonnefoux : ” BNP Paribas Factoring est une filière du Groupe BNP Paribas qui propose des solutions d’affacturage, de financement court-terme à destination de clients grands comptes et d’entrepreneurs en France et à l’international. C’est l’un des plus vieux métiers de la Banque. Cela consiste à financer l’économie court terme en achetant des factures émises par nos clients et de recouvrir ce besoin de financement auprès de leurs clients. Donc c’est un métier à la fois de financement, de prise de risque et de recouvrement. La donnée y est éminemment stratégique, parce que nous avons besoin d’une connaissance fine de nos clients, et des clients de nos clients. Ces données peuvent être les nôtres ou provenir de fournisseurs de données de marché, de plateforme Open Data, des clients eux-mêmes ou d’assureurs crédit. Dans ce contexte, mon rôle est à la fois d’établir la stratégie data, la gouvernance des données (structurées ou non), la mise en qualité des données, leur traçabilité et leur valorisation, mais aussi de préparer l’organisation aux prochains défis. “
Dans quel contexte évoluez-vous ?
” Depuis mon arrivée en septembre 2022, le Data Office de BNP Paribas Factoring intervient principalement dans le cadre d’un Programme de Transformation du métier et des systèmes informatiques, appelé Programme « One Factoring ». Ce Programme vise notamment à déployer une plateforme européenne industrielle pour satisfaire nos clients et mutualiser nos moyens opérationnels à l’échelle de la Filière.
Par exemple, opérationnellement, il est important que tous nos collaborateurs travaillent avec le même outil CRM ou utilisent le même référentiel clients, le même référentiel produits, donc un langage commun. Nous « embarquons » un nouveau pays sur cette plateforme tous les six mois environ. “
Quelle gouvernance avez-vous mise en place ?
” A l’instar de la gouvernance Groupe, nous avons opté pour un modèle fédéré. Nous fonctionnons par territoire, avec une approche qui vise à mutualiser les investissements et les ressources, certaines responsabilités relèvent de l’équipe centrale que je dirige, d’autres restent au niveau local quand les réglementations le requièrent. Ces sujets sont traités directement dans les filiales qui bénéficient d’une vraie autonomie. Par exemple, sur la partie data protection ou data quality, nous fonctionnons en réseau, ou par communauté, les data officers reportent sur ces sujets en droite ligne à leur direction générale locale. “
Comment travaillez-vous avec les filiales sur ces sujets data ?
” La gouvernance est fondamentale. Nous avons des comités mensuels, trimestriels lors desquels vont s’exprimer les besoins. Une des missions du Data Office est d’identifier les problèmes communs aux métiers, de traduire ces problèmes en besoin de données et de créer les conditions nécessaires pour déployer une même solution, partout où cela est possible : d’où le besoin d’acculturation à la Data, afin d’obtenir l’adhésion de nos collaborateurs à l’usage d’une nouvelle solution, une nouvelle manière de faire les choses.
Nous partageons également les initiatives locales qui ont un impact positif et identifions celles que nous pouvons généraliser, sponsoriser. L’autonomie des filiales et l’investissement des collaborateurs sont à ce titre essentiels. Nous ne sommes pas dans une logique exploratoire (c’est-à-dire nous ne faisons pas de PoC), nous nous concentrons sur les projets à forte valeur ajoutée, ceux qui peuvent accroître les revenus, renforcer l’efficacité opérationnelle, améliorer le caractère durable de nos solutions.
Aujourd’hui la technologie permet de passer facilement en production, ce qui a tendance à augmenter le nombre de cas d’usage. Le rôle d’un data office consiste donc à challenger le besoin métier pour bien définir le besoin en termes de données, à modéliser ces données par domaine métier, à accompagner les métiers dans la définition des droits d’accès aux données et par conséquent de contribuer à l’industrialisation des Projets métiers, notamment ceux dont le ROI est le plus élevé. “
C’est désormais à l’humain de reprendre la main, pour internaliser cette connaissance, pour organiser la mise en qualité et ainsi développer la valeur de l’entreprise.
Notre étude Opinion Way révèle que la majorité des salariés n’utilisent pas la data ou en tout cas pas de manière optimale. Sans parler d’analyse, la manipulation des données ne semble pas si évidente pour eux. Comment abordez-vous cette question de l’acculturation ?
” Clairement au quotidien. L’acculturation doit infuser, nous la faisons vivre aussi dans le cadre d’ateliers ou bien au travers des comités opérationnels avec les métiers. A l’échelle du Groupe BNPP Paribas, il existe un programme spécifique, notamment sur la partie réglementaire que j’évoquais précédemment, mais aussi sur les questions de cybersécurité.
Le rôle de mon équipe est vraiment de former les collaborateurs à l’usage d’outils simples, d’expliquer des modélisations de données ou d’accroitre le niveau d’opérationnalité de règles de gouvernance des données qui sont souvent encore trop souvent perçues comme trop théoriques ou trop complexes au prime abord.
La force de cette équipe réside aussi bien dans le fonds que dans la forme, dans la répétition, dans la simplification des messages. Cette force requiert surtout une bonne appropriation du contexte métier souvent en pleine transformation.
Il s’agit d’être pédagogue, de s’assurer que les collaborateurs vont être sensibilisés à la qualité de la donnée et de son analyse. Pour cela, il faut qu’ils aient le sentiment d’en retirer un bénéfice. Quand vous leur demandez de changer l’outil avec lequel ils travaillent bien depuis des années, que vous impactez le processus métier, il est nécessaire de prouver l’intérêt de fonctionner autrement. Votre étude montre que la communication envers les collaborateurs est importante.
Il y a 15 ans, le marché ne parlait que de Big Data, de l’accès à des millions de données dont des ordinateurs allaient par magie extraire des insights extraordinaires. L’heure est davantage à la frugalité, ce qui peut paraître paradoxal avec l’émergence des IA analytique ou générative, qui par nature sont très consommatrices de data.
Mais l’heure est pourtant à une approche plus sobre : quelles sont les données essentielles pour piloter un métier, pour gagner des parts de marché, pour satisfaire nos clients ?
Il est clair que tout part des besoins métiers. La contrepartie est que, là où on faisait confiance à la machine pour connaître et identifier les « bonnes » données, c’est désormais à l’humain de reprendre la main, pour internaliser cette connaissance, pour organiser la mise en qualité et ainsi développer la valeur de l’entreprise. “
Cela suppose une montée en compétences sur ces sujets. Peu de collaborateurs estiment aujourd’hui être formés à la data…
” Tout dépend de la perception que l’on appelle « formation à la data ».
L’acculturation au quotidien, à travers des ateliers ou comités, n’est pas forcément vécue comme de la formation par les collaborateurs, parce que le cadre peut paraître assez informel et que ces heures passées ne sont pas comptabilisées dans un système pilotant les besoins de formation.
Ensuite, plus qu’hier, les collaborateurs ont la possibilité d’être proactifs, de trouver des modules sur des plateformes comme Datacamp ou Open classroom. Je suis très heureux quand j’entends des collaborateurs me dire qu’ils ont obtenu telle ou telle certification data. Il faut encourager ces comportements : c’est essentiel pour faire face aux défis de demain. “
Chez BNP Paribas, l'acculturation à la donnée, c'est une réalité au quotidien.
Comment selon vous, implémenter une culture data ?
” Je vais vous partager un retour d’expérience.
Pendant la période du Covid en 2020, j’étais Global Chief Data Officer de BNP Paribas Asset Management, nous avions déployé un des premiers social game « Data » pour créer du lien et faire en sorte que les personnes acquièrent de nouvelles connaissances. Ce social game a reçu plusieurs prix et est devenu une solution au niveau Groupe BNPP, l’année suivante. D’autres filiales BNPP ont pu l’utiliser pour acculturer leurs collaborateurs.
Nous avons eu de très bons feedbacks, y compris de la part de personnes très éloignées de nos sujets, qui avaient fait l’effort de participer au social game et trouvaient que l’investissement en valait la peine. Cette dynamique est réjouissante, autant qu’essentielle. Le principal risque de ces dispositifs est de n’acculturer que les collaborateurs dont c’est déjà le métier. Alors que l’objectif doit être de former ceux qui utilisent la donnée et ceux qui produisent de la donnée ou la contrôlent, parfois presque sans le savoir. Il faut donc mettre en place des choses simples qui permettent aux collaborateurs de progresser. Chez BNP Paribas, l’acculturation à la donnée, c’est une réalité au quotidien. “
A propos de l’étude Culture Data
L’étude Culture Data, réalisée par OpinionWay pour Micropole, explore comment les entreprises intègrent les données dans leurs processus stratégiques et opérationnels, et à identifie des écarts entre la vision des dirigeants et la réalité vécue par les collaborateurs.
La transformation numérique a repositionné la gestion des données au cœur des enjeux stratégiques des entreprises. Cependant, la mise en œuvre d’une véritable culture data reste un défi complexe. Nous avons cherché à comprendre comment les entreprises peuvent surmonter les obstacles technologiques, organisationnels et humains pour créer une utilisation efficace et pérenne des données.
Dans cette étude, vous retrouverez des tendances mais aussi les retours d’expérience de 10 experts de haut vol en matière de transformation data au sein de leur organisation :
Découvrez dès maintenant le livre blanc de l'étude
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processus décisionnel - Des clés pour acculturer à la Data